Jean-Pierre et Luc Dardenne font partie des cinéastes européens les plus importants. Ils écrivent, produisent et réalisent tous leurs films ensemble. Les frères Dardenne ont développé leur propre style distinctif de réalisme social et abordent toujours des questions sociétales importantes. Ils sont originaires de la province wallonne de Liège et y réalisent également leurs films. La Wallonie peut dès lors être perçue comme un miroir de la société européenne.
SERAING
Jean-Pierre Dardenne est né en 1951, Luc en 1954. Les frères ont grandi à Seraing, une banlieue industrielle de Liège. Il s’agit d’une ville de taille moyenne qui a connu beaucoup d’industries lourdes et illustre donc bien les problèmes qui en découlent. Chômage, immigration, illégalité et pauvreté. Ce sont des thèmes qui reviennent sans cesse dans l'œuvre des Dardenne.
« Seraing est une sorte d’Hollywood pour nous. C'est une ville à la composition très diversifiée, dans laquelle vivent de nombreuses personnes vulnérables souffrant de toutes sortes de problèmes socio-économiques. On y trouve une abondance d'histoires et de lieux intéressants dont on peut s'inspirer. »
Les personnages des films des Dardenne sont souvent dans une situation difficile et se retrouvent confrontés à des choix qui ne le sont pas moins. Ils sont à la recherche d'un avenir meilleur, en quête d’espoir. Les frères prennent des positions claires dans leurs films et sont eux-mêmes portés par l'espoir d'une vie meilleure pour l'individu acculé par la société.
CARRIÈRE
Jean-Pierre a fait des études d’arts dramatiques à Bruxelles. Luc a fait des études de philosophie et de sociologie. Jean-Pierre a suivi des cours du réalisateur et poète Armand Gatti, qui a encouragé les frères à réaliser ensemble.
Dans les années ‘70, les Dardenne réalisent leurs premiers films. Il s'agit de documentaires abordant des thèmes sociétaux. Au milieu des années ‘80, les Dardenne se tournent vers des longs métrages de fiction. Avec pour premier résultat FALSCH (1987) qui adapte une pièce de théâtre sur le dernier survivant d'une famille juive exterminée par les nazis. En 1992, ce sera JE PENSE À VOUS. Dans ces premiers longs métrages, le style des Dardenne tel que nous le connaissons aujourd'hui ne s'est pas encore cristallisé. C’est avec LA PROMESSE, en 1996, que ce style prend une forme définitive.
« Ce que nous avons appris en travaillant sur des documentaires, c'est que la vie est vécue et que nous la capturons. C’est ce sentiment que nous avons aussi voulu capter dans nos longs métrages, pour que l’on se rende compte que la vie était déjà en train de se dérouler avant que la caméra ne commence à tourner », explique Luc Dardenne.
Avec LA PROMESSE, les Dardenne se font remarquer au niveau international et le film est sélectionné pour la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes. En Belgique, le film a remporté des prix importants aux festivals de Bruxelles et de Namur. Les frères sont rapidement devenus des grands noms du cinéma d'art et d'essai et du cinéma mondial.
En 1994, les frères ont créé leur propre société de production, Les Films du Fleuve, avec laquelle ils produisent leurs propres films tout en donnant également l’opportunité à d’autres cinéastes de réaliser leurs projets.
En 1999, les Dardenne remportent leur première Palme d'Or au Festival de Cannes avec ROSETTA, confirmant définitivement leur statut de figures de proue du cinéma belge. Les acteurs avec lesquels les Dardenne ont travaillé ont également bénéficié de ce succès. Jérémie Renier (LA PROMESSE) est devenu une grande star du cinéma français, et est réapparu régulièrement dans les films des frères. L'actrice belge Émilie Dequenne a remporté le prix de la meilleure actrice à Cannes pour son rôle dans ROSETTA. Le comédien Olivier Gourmet a reçu le prix du meilleur acteur au Festival de Cannes pour son rôle dans LE FILS (2002).
SUCCÈS
Les films de Jean-Pierre et Luc Dardenne ont été diffusés dans de nombreux festivals et ont remporté un grand nombre de prix, mais le Festival de Cannes joue un rôle particulier dans leur succès. En 2005, ils ont à nouveau remporté la Palme d'Or avec L'ENFANT, rejoignant la petite poignée de cinéastes à avoir remporté plusieurs Palmes d'Or. Ce sont d’ailleurs les seuls films belges à avoir remporté une Palme d'Or. En 2008, LE SILENCE DE LORNA a reçu le prix du meilleur scénario et en 2011 c'est LE GAMIN AU VÉLO qui remportera le Grand Prix de Cannes.
En 2014, DEUX JOURS, UNE NUIT offre un rôle principal à la star française Marion Cotillard. Elle sera nominée pour l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle d'ouvrière d'usine qui essaie de garder son emploi. C'est la première fois que les Dardenne se tournent vers une actrice aussi célèbre. Car ils travaillent en général avec des talents jeunes et inconnus.
En 2016, c’est Adèle Haenel qui joue le rôle principal dans LA FILLE INCONNUE. Le film raconte l'histoire d'une médecin de famille enquêtant sur la mort d'une jeune femme anonyme, et a également concouru pour la Palme d'Or. En 2019, les Dardenne remportent le prix de la meilleure réalisation à Cannes avec LE JEUNE AHMED, un film sur un adolescent musulman radicalisé.
Les Films du Fleuve, la société de production des frères, est devenue une référence dans le paysage cinématographique européen. Ce n'est pas seulement dû aux films des Dardenne, mais aussi aux nombreux projets et réalisateurs soutenus par la société. Des cinéastes tels que Jacques Audiard, Mohamed Ben Attia, Nabil Ben Yadir, Mahmoud Ben Mahmoud, Stijn Coninx, Cédric Khan, Ken Loach et Cristian Mungiu ont travaillé avec Les Films du Fleuve. Un nom qui frappe dans cette liste est celui de Ken Loach. Lui aussi a remporté plusieurs Palmes d'Or, mais il est avant tout un cinéaste qui se situe sur le même plan social réaliste et social critique.
TRAVAILLER (ENSEMBLE)
« Chaque matin de tournage, nous répétons sur place avec les acteurs. Nous ne répétons pas les dialogues, seulement les mouvements et le rythme. Et nous décidons où placer la caméra ; cela dépend souvent de la façon dont les acteurs bougent et d'où ils restent immobiles. Nous devons voir ce déroulement devant nous pour pouvoir le planifier. Nous devons pratiquer le mouvement pour que les acteurs puissent être présents de faon proéminente. C'est ainsi que le public ne se rend pas compte que quelqu'un se trouve derrière la caméra et dirige l'action comme un marionnettiste », explique Jean-Pierre Dardenne.
Les Dardenne sont une marque de fabrique, ils ont une manière unique de travailler ensemble. La coréalisation exige une méthode de travail particulière. Pendant qu'un frère est sur le plateau avec les acteurs et les techniciens, l'autre frère est derrière le moniteur vidéo. Après la première prise, ils examinent et discutent ensemble du résultat. « Il se peut que des changements soient nécessaires en fonction de ce que nous voyons, et il se peut alors que nous changions de place une ou deux scènes plus loin. Comme nos prises sont souvent assez longues, il se peut que la personne derrière le moniteur ait un meilleur sens du rythme que la personne sur le plateau, même si ce n'est pas forcément le cas pour le jeu d'acteur. » Cette façon de travailler explique le caractère direct des films des Dardenne. La présence du cinéaste auprès de l'acteur se reflète à l’écran.
Les frères ont bien souligné à Verascoop qu'ils ne font qu'un lorsqu'ils réalisent un film : « Nous n'avons aucune divergence d'opinion sur les films que nous réalisons, sinon nous ne pourrions pas travailler ensemble » (Jean-Pierre). « Nous avons les mêmes préférences de style et nous nous complétons » (Luc).
Déborah François, l'actrice qui a joué le rôle principal de L'ENFANT à l'âge de 17 ans, a précisé qu'il peut être assez difficile pour une actrice inexpérimentée de travailler avec les frères : « Ils n'expliquent jamais rien sur la psychologie du personnage. On ne peut pas non plus les interroger à ce sujet. Donc on ne sait jamais si on fait bien les choses. Mais s'ils ne sont pas satisfaits, ils le disent. Selon eux, il faut pouvoir sentir ces choses dans son ventre. »
CARACTÉRISTIQUES
Les films des Dardenne possèdent un certain nombre de caractéristiques. Visuellement, c’est surtout évident pour la caméra à l’épaule. Leurs films font partie d'un univers moral déterminé et leur style est faussement simple.
« Nous restons à Seraing. Nous travaillons avec des histoires locales, mais les récits sont universels et pourraient se dérouler n'importe où », explique Jean-Pierre Dardenne.
Jean-Pierre et Luc sont des maîtres du cinéma réaliste et humaniste. Ils montrent la vie de la classe ouvrière en Belgique d'une manière naturaliste. Leurs films tournent autour des expériences des personnages et des choix qu'ils font. Ils deviennent des personnes reconnaissables auxquelles le spectateur peut s’identifier et qu’il peut comprendre. Même si les personnages se trouvent dans des situations qu'on ne reconnait pas immédiatement, il s'agit souvent de situations de la vie quotidienne dans lesquelles on se demande assez rapidement « qu'est-ce que moi je ferais ? »
Dans les films des Dardenne, la vie est souvent crue, au sens propre comme au sens figuré. En filmant à Seraing et alentours, l'atmosphère est immédiatement claire et sans ambiguïté. Mais heureusement, tout n'est pas toujours sombre : dans LE GAMIN AU VÉLO, le soleil brille ! Le soleil peut percer au sens propre comme au sens figuré.
« Il est vrai que nos films se déroulent souvent dans un environnement rugueux. Le style des films est cru. Mais dans LE GAMIN AU VÉLO, on reconnaît des parties de LE FILS (2002), et cela donne de la chaleur au film. Au fond de nous, c'est ce dont nous sommes convaincus, que nous pouvons être sauvés », explique Jean-Pierre Dardenne.
Ce sauvetage est un concept reconnaissable dans les films des Dardenne. L'environnement dans lequel évoluent les protagonistes est rude et leur lutte pour survivre est tellement essentielle que le sauvetage peut venir de quelque chose d’aussi simple qu’une rencontre avec la bonté humaine. Cela semble presque religieux, mais c’est tout simplement ancré dans la réalité brute de la (sur)vie.
La lumière naturelle et l'absence de musique de film spécifique renforcent le caractère reconnaissable de la vie quotidienne à laquelle les frères nous font participer.
Les mouvements de caméra et le jeu physique des acteurs s'inscrivent dans une tradition cinématographique réaliste dégageant une profondeur spirituelle. Pour les Dardenne, le film GERMANIA ANNO ZERO (ALLEMAGNE ANNÉE ZÉRO) (1948) de Roberto Rossellini en est le meilleur exemple. L’ENFANT a été régulièrement comparé à PICKPOCKET (1955) de Robert Bresson. La tradition du réalisme social est entre de bonnes mains avec les Dardenne (et Ken Loach) !
Sources consultées :
The New York Times, Focus on Belgium, Verascoop, DMagazine, Bright Wall/Dark Room, Indiana University Cinema, Les Films du Fleuve, The Independent, Filmjourney, ICA, Harvard Film Archive, No Film School
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